Le droit d’envier la vie des autres

« Ils ont une vie normale, ils ne réfléchissent pas 2 semaines pour savoir comment aller à la mer le week-end, ils improvisent et pour moi, l’improvisation est impossible » explique Marie, 34 ans et mère de Mathilde atteinte d’un autisme lourd. Il est normal et humain d’envier la vie de familles ordinaires.

Le handicap ne rend pas méchant, juste envieux

Un enfant en situation de handicap l’est pour toute la vie. La vie ne fait aucune pause dans le quotidien à gérer, que l’on soit jeune parent ou que l’on ait 60 ans. Alors durant toutes ces années, il est normal de rager contre le destin, pestant devant l’injustice de la vie en voyant des familles jouer au foot dans un parc ou en partageant une glace sur la plage.

Certains parents culpabilisent d’éprouver de la jalousie envers les autres. Mais c’est un sentiment absolument incontournable. Le sentiment de se sentir privé de liberté provoque chez les parents des émotions complexes. Mais aucune de ces émotions n’est l’héritage d’un sentiment haineux ou méchant. Cela paraît évident, et pourtant ceux qui l’ont vécu savent que ça ne l’est pas.

Combattre l’envie par une autre envie

Le sentiment de jalousie, ou celui de se sentir envieux a pour antimatière… l’envie. Mais cette envie là est construite par l’intention de réussir sa vie coûte que coûte. Il s’agit d’un état d’esprit, d’une force de caractère qui consiste à jouer avec les cartes de la vie et d’en faire une belle histoire.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’espoir ne fait pas avancer un couple. L’espoir c’est plutôt réservé à ceux qui n’ont pas à faire face au handicap chaque jour. Par contre, le combat quotidien face au handicap fait naître l’envie de ne pas se laisser aller, cet instinct de préservation assez inné qui se transmet aux émotions et qui s’appelle la ténacité.

Il faut être tenace pour être heureux lorsqu’on éduque un enfant en situation de handicap. Et le carburant reste et demeure l’envie de vivre sa vie aussi pleinement qu’on le peut.

L’instinct de survie dans l’envie

Nous avons tous en nous cet instinct de préservation qui dicte nos comportements primaires. De la même manière, l’envie d’être heureux, l’envie de profiter de sa vie, réside dans une force de caractère qui se renforce grâce au handicap de son enfant.

Et d’une certaine façon, le fait d’envier la vie des autres est comme une forme de pause dans la ténacité. On s’accorde une pause de quelques secondes pour s’imaginer dans une autre vie, et passant cette parenthèse on revient à son quotidien.

Il est faux de penser que l’on peut avoir honte de ses rêves. Alors pourquoi avoir honte d’un rêve éveillé qui consiste à jalouser un peu une autre famille ? C’est un rêve, comme celui que vous ferez cette nuit. Et un rêve n’appelle jamais de coupable à la barre.